A la recherche du bonheur : Une enquête pas du tout austère
A la recherche du bonheur, lisez une enquête pas du tout austère
Article original de Todd Kashdan & Robert Biswas-Diener | 27 janvier 2025 (et non, on n’a pas voyagé dans le futur pour écrire cet article, mais tout est possible). Revu par Geraldine. G
A la recherche du bonheur :
Vous voilà au bord du Grand Canyon, une étendue majestueuse s’offrant à vos mirettes ébahies. Le soleil, jamais fatigué de jouer les artistes peintres, badigeonne le ciel de nuances oranges et roses. Vous tenez la main de votre fille, qui, elle, ne se pose pas 36 000 questions existentielles : elle mange sa glace, et elle est rudement contente. Vous, en revanche, vous êtes partagé entre l’émerveillement, l’amour parental et la panique à l’idée que cette boule de vanille finisse sur votre chemise.
C’est un moment de bonheur. Oui, mais quel bonheur ? Car voyez-vous, mes chers lecteurs, les sociologues et psychologues qui étudient la chose depuis un demi-siècle ont jugé bon de scinder ce brave bonheur en deux catégories, histoire de ne pas nous faciliter la vie.
Quel rôle joue le plaisir dans le bonheur ? :
D’un côté, le bonheur hédonique, celui qui nous fait pousser des soupirs de satisfaction quand on croque dans un pain au chocolat encore tiède (et qu’on ne débattra pas ici du nom de cette viennoiserie sous peine d’émeute). Ce bonheur-là, c’est le plaisir pur, l’instantané, celui qui nous fait dire « ah, c’est bon ! » sans même y penser.
De l’autre, le bonheur eudaimonique (un mot savant pour dire « le bonheur qui vous fait sentir profond »), celui qui résulte d’une vie pleine de sens et de quête existentielle. C’est celui qui vous envahit quand vous sauvez un chat coincé dans un arbre ou que vous enseignez à votre rejeton à faire du vélo sans roulettes. Ce bonheur-là, il est noble, il est grand… mais il ne fait pas toujours rire.
Or, les experts du bien-être ont longtemps snobé le bonheur hédonique, le traitant de plaisir fugace, de superficialité indigne d’un cerveau pensant. Comme si déguster un bon verre de vin ou rigoler à une blague de comptoir était moins respectable que de réfléchir à la condition humaine. Mais bonne nouvelle, chers lecteurs, le vent tourne ! Les recherches récentes suggèrent que plaisir et bonheur profond sont bien plus liés qu’on ne le pensait. En clair, on a enfin compris que la joie simple de mordre dans une pizza brûlante contribue à une vie heureuse, au même titre qu’un bon vieux questionnement sur le sens de la vie.
Alors, arrêtez de culpabiliser quand vous savourez un éclair au chocolat ou que vous bingez votre série préférée sous un plaid. Car, au bout du compte, quand on est à la recherche du bonheur, c’est un mélange subtil des deux. Et si Aristote avait eu Netflix, il aurait peut-être pensé pareil.
La nature subjective du plaisir (ou pourquoi un match de foot vaut bien un concert de Mozart)
Par Ed Diener (commentaires sarcastiques et bien sentis par votre serviteur)
En 1984 (non, ce n’est pas Orwell, c’est juste un psy), Ed Diener publiait un article fondateur sur la science du bien-être. Son grand message ? Arrêter de juger le bonheur des autres à coups de « je sais mieux que toi ce qui te rend heureux ». Ce qui, avouons-le, évite pas mal de dîners familiaux tendus.
Diener expliquait que le plaisir étant une affaire personnelle, ce qui met en transe un amateur d’opéra peut laisser de marbre un fan de football. Conclusion : inutile de juger les autres parce qu’ils trouvent du bonheur dans une gaufre au Nutella plutôt que dans une méditation transcendantale. (Et entre nous, si Bouddha avait connu le chocolat, on en reparlerait.)
Hédonisme : la débauche ? Que nenni !
Le bien-être hédonique, c’est cette idée révolutionnaire que les gens aiment le plaisir et détestent la douleur. Quelle surprise ! Pourtant, certains grincheux y voient une justification de la débauche. Alors oui, savourer un repas gastronomique, se poser au bord d’un ruisseau ou applaudir son gamin pendant son spectacle scolaire, c’est du plaisir. Mais si c’est ça la décadence, on signe tout de suite.
L’important, c’est que ces petits moments construisent une vie heureuse. Ça ne dure peut-être pas longtemps, mais à ce compte-là, il faudrait aussi jeter les feux d’artifice parce que ça pétille et puis ça disparaît.
Le match de foot, une expérience transcendante ?
À ce stade, les amateurs d’expériences « profondes » ricanent : « Ouais, mais un concert de musique classique, c’est du vrai bonheur, pas comme hurler devant un but ! » Ah bon ? Et pourquoi un concert où l’on se sent transporté vers d’autres sphères serait-il plus valable qu’un match de foot où l’on vit une extase collective ? Certains pleurent devant un quatuor à cordes, d’autres devant une remontée épique à la dernière minute. Larmes = émotion = bonheur. Match nul.
D’ailleurs, les chercheurs eux-mêmes commencent à admettre que couper le bonheur en deux catégories (émotionnel et intellectuel) n’est pas très malin. Dans la vraie vie, tout est mélangé. Un passionné de foot peut ressentir un profond sentiment d’appartenance, tandis qu’un auditeur de symphonie peut piquer du nez en plein mouvement adagio. Comme quoi, le bonheur n’a pas de dress code.
Faut-il vraiment choisir entre plaisir et profondeur ?
Dans les hautes sphères académiques, on commence à abandonner cette vieille dichotomie. Un certain Shige Oishi propose d’ailleurs un troisième concept : la richesse psychologique. L’idée que l’expérience humaine est complexe, ni purement hédonique ni totalement « pleine de sens ». Parce que, soyons honnêtes, on peut parfaitement trouver du sens en mangeant une bonne tartiflette.
Moralité de l’histoire pour la recherche du bonheur ?
- L’eudaimonia n’est pas « supérieure » à l’hédonisme.
- Une expérience n’a pas besoin d’avoir un « sens profond » pour être valable (sinon, on arrête tout de suite les films de kung-fu et les siestes au soleil).
- Le bonheur n’a pas deux types, mais une infinité de saveurs.
Bref, au lieu de jouer les philosophes de comptoir en expliquant aux autres ce qui « devrait » les rendre heureux, autant les laisser déguster leur bonheur à leur façon. Et si cela implique une pizza et un marathon de séries, qu’il en soit ainsi. Après tout, la vie est trop courte pour se priver de dessert.
Par Todd Kashdan , Robert Biswas-Diener | 27 janvier 2025 Source GreaterGood Berkeley University
À propos des auteurs
- Todd KashdanTodd B. Kashdan, Ph.D. , est l’auteur de The Art of Insubordination: How to Dissent and Defy Effectively (Avery/Penguin) et est professeur de psychologie qui a fondé le Well-Being Laboratory à l’université George Mason. Sa newsletter Substack s’appelle Provoked .
- Robert Biswas-DienerRobert Biswas-Diener, Ph.D. , est chercheur en bien-être et auteur de Radical Listening: The Art of True Connection . Il forme des coachs dans son école accréditée par l’ICF, Positive Acorn .